Les phycotoxines (biotoxines marines) représentent un enjeu pour la sécurité sanitaire des aliments. Ces toxines, produites par certaines espèces d'algues et de phytoplancton, peuvent contaminer divers produits de la mer, posant un risque pour la santé humaine.
Sommaire :
1) Que sont les phycotoxines ?
2) Classification des phycotoxines
4) Quelles méthodes d'analyses pour quantifier les phycotoxines ?
5) Incidents graves et cas notables attribués aux phycotoxines
Que sont les phycotoxines ?
Les phycotoxines présentes dans les produits de la mer sont des substances toxiques produites par certaines espèces d'algues et de phytoplancton, une quarantaine d'espèces environ produisent des phycotoxines toxiques pour l'homme.
Comment entrent-elles dans la chaine alimentaire ?
Le processus susceptible de les introduire dans la chaine alimentaire se fait principalement par le biais d'efflorescences algales nuisibles (EAN), également connues sous le nom de "marées rouges" ou egget "Bloom". Ces efflorescences se produisent lorsque certaines conditions environnementales favorisent la prolifération rapide d'espèces d'algues spécifiques qui produisent des toxines. Comme d'autres types de contaminants alimentaires "naturels", le réchauffement climatique joue un rôle majeur dans l'augmentation des marées rouges et de la prolifération des espèces d'algues toxiques. Les changements de température de l'eau, l'acidification des océans et les modifications des courants marins favorisent le développement de ces efflorescences algales nuisibles et la prévalence des phycotoxines.
Quelles matrices sont concernées ?
Les matrices alimentaires concernées sont les produits de la mer, en particulier les mollusques bivalves comme les huîtres, les moules et les coquilles Saint-Jacques qui sont les plus susceptibles d'être contaminés. Cependant, d'autres poissons et crustacés peuvent également accumuler ces toxines s'ils consomment des algues ou d'autres organismes contaminés. Le problème important de ce type de danger est que la plupart des phycotoxines sont stables et résistent très bien à la cuisson (thermostables, ou thermorésistantes).
Classification des phycotoxines
Il existe différents types de phycotoxines, chacune ayant des effets toxiques spécifiques sur l'homme, elles sont d'ailleurs classées en fonction de ces même effets toxiques, certaines lipophiles, d'autres hydrosolubles.
Toxines paralysantes des coquillages (PSP) : Paralytic Shellfish Poisoning
Les toxines PSP sont un groupe de neurotoxines produites principalement par des dinoflagellés, tels que Alexandrium spp. Ces toxines bloquent les canaux sodiques des cellules nerveuses, ce qui peut entraîner une paralysie. Il existe plus de 20 analogues différents de toxines PSP.
- La saxitoxine (STX) étant le composé le plus toxique de ce groupe.
Toxines diarrhéiques des coquillages (DSP) Diarrhetic Shellfish Poisoning
Les toxines DSP sont produites par plusieurs espèces d'algues, notamment Dinophysis spp. et Prorocentrum spp. Ces toxines peuvent provoquer des troubles gastro-intestinaux chez les personnes qui consomment des coquillages contaminés.
- Les principaux composés de ce groupe sont l'acide okadaïque (AO), les dinophysistoxines (DTXs) et les pectenotoxines (PTXs), Azaspiracides (AZAs), Yessotoxins (YTXs)
Intoxication amnésique par les coquillages (ASP) Amnesic Shellfish Poisoning
L'acide domoïque est une neurotoxine produite par certaines diatomées du genre Pseudo-nitzschia. Cette toxine est un agoniste du récepteur du glutamate, ce qui peut entraîner une excitation excessive des cellules nerveuses. L'intoxication peut provoquer des troubles gastro-intestinaux, des symptômes neurologiques et, dans les cas graves, une perte de mémoire à court terme, les séquelles au cerveau peuvent être irrémédiables.
- Principal composé : l'acide domoïque (AD)
L'Intoxication Neurotoxique par les Coquillages (NSP) Neurotoxic Shellfish Poisoning
C 'est un type d'intoxication alimentaire causée par la consommation de coquillages contaminés par certaines toxines neurotoxiques : palytoxins (PLTXs) et brevetoxins (BTX) Ces toxines sont principalement produites par des dinoflagellés du genre Karenia, notamment Karenia brevis, qui est fréquemment impliquée dans les "marées rouges".
- Principaux composés : palytoxins (PLTXs) et brevetoxins (BTXs)
Intoxication par les Poissons Ciguatera (CFP) Ciguatera Fish Poisoning
L'intoxication par les poissons ciguatera est une forme de biointoxication alimentaire causée par la consommation de poissons de récif tropicaux et subtropicaux contaminés par des toxines ciguatera. Ces toxines sont produites par des microalgues dinoflagellées du genre Gambierdiscus et s'accumulent dans la chaîne alimentaire marine.
- Composé : Ciguatoxine
Règlementation des phycotoxines
La réglementation des phycotoxines peut varier d'un pays à l'autre, mais dans l'Union Européenne, par exemple, elle est assez stricte et est régie notamment par le Règlement (CE) n° 853/2004 : fixant des règles spécifiques d'hygiène applicables aux denrées alimentaires d'origine animale.
Les normes sanitaires ci-dessous s'appliquent aux mollusques bivalves vivants selon le règlement (CE) n° 853/2004
| Nom | Norme sanitaire | |
| «Paralytic Shellfish Poison» (PSP) | Saxitoxines (eq saxitoxine di-HCL) | 800 µg/Kg |
| «Amnesic Shellfish Poison» (ASP) | Acide domoïque : | 20 mg/Kg |
| Acide okadaïque + dinophysistoxines pris ensemble | eq-acide okadaïque : | 160 µg/Kg |
| Yessotoxines | eq-yessotoxines | 3.75 mg/kg |
| Azaspiracides | eq-azaspiracides | 160 µg/Kg |
Quelles méthodes d'analyses pour quantifier les phycotoxines ?
Méthodes d'analyse :
La détection et la quantification des phycotoxines dans les produits alimentaires est généralement réalisée par chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse (LC-MS/MS). Pour certaines toxines, des méthodes basées sur des bioessais, comme le test de la souris, ont été traditionnellement utilisées, mais elles sont progressivement remplacées par des techniques plus spécifiques et sensibles.
Les méthodes normalisées :
NF EN 16204 : Dosage des toxines algales lipophiles (toxines du groupe acide okadaïque, yessotoxines, azaspiracides, pecténotoxines) dans les coquillages et les produits à base de coquillages par CL-SM/SM.
NF EN 14526 : Détermination de la teneur en toxines du groupe de la saxitoxine dans les coquillages par HPLC avec dérivation pré-colonne et par oxydation au peroxyde ou au periodate.
Saxitoxine (STX) , décarbamoyle saxitoxine (dcSTX) , néosaxitoxine (NEO) , décarbamoyle néosaxitoxine (dcNEO) , gonyautoxines 1 et 4 (GTX1,4 ; somme des isomères) , gonyautoxines 2 et 3 (GTX2,3 ; somme des isomères) , gonyautoxine 5 (GTX5, également appelée B1) , gonyautoxine 6 (GTX6, également appelée B2) , décarbamoyle gonyautoxines 2 et 3 (dcGTX2,3 ; somme des isomères) , N-sulfocarbamoyle gonyautoxines 1 et 2 (C1,2 ; somme des isomères) et, sous réserve de la disponibilité de matériaux de référence certifiés, N-sulfocarbamoyle gonyautoxines 3 et 4 (C3,4 ; somme des isomères) dans les moules, les huîtres, les coquilles Saint-Jacques et les palourdes (crues)
Méthode officielle 2005.06 de l'AOAC : HPLC-FLD pour les toxines PSP, méthode officielle, revue par l'EU-RL-MB (Laboratoire de référence Européen des Biotoxines Marines)-EURLMB SOP for the analysis of Paralytic shellfish toxins (PST) byprecolumn HPLC-FLD according to OMA AOAC 2005.06 (2020)
Les méthodes accréditées :
Elles sont soit issues des normes NF EN 14526 ou NF EN 16204, mais la plupart des méthodes accréditées par les laboratoires sous-traitants sont celles provenant de l'Anses, qui est en France, le Laboratoire national de référence des Biotoxines Marines ex: (ANSES / LSAliments / LSA-INS-0147).
Les méthodes de contrôles officiels :
Les méthodes de contrôles officiels phycotoxines sont décrites dans le règlement d'exécution (UE) 2019/627 établissant des modalités uniformes en ce qui concerne les produits d'origine animale destinés à la consommation humaine.
| Groupe de Phycotoxines | Technique | Commentaires (UE) 2019/627 |
| Teneur en toxines amnésiantes (amnesic shellfish poison ou ASP) | HPLC/UV |
ou toute autre méthode validée et reconnue au niveau international. Autorisée des fins de dépistages :
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| Teneur en toxines paralysantes (paralytic shellfish poisoning ou PSP) | HPLC-FLD |
OMA 2005.06 de l'AOAC, telle que publiée dans le Journal of AOAC International, vol.. 88, no 6, p. 1714 à 1732 (méthode dite de Lawrence) ou toute autre méthode validée et reconnue au niveau international. En cas de contestation, la méthode OMA 2005.06 de l'AOAC s'applique |
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Détection des toxines marines Toxines du groupe de l'acide okadaïque: |
(EU-RL-LC-MS/MS) |
Méthode du Laboratoire de référence de l'Union européenne (EURL LC-MS/MS) et inclue au moins les substances suivantes: a) les toxines du groupe de l'acide okadaïque: OA, DTX1 et DTX2, y compris leurs esters (DTX3); D'autres méthodes sont possibles si elles peuvent détecter au moins les analogues ci dessus, et si elles remplissent les critères de performance énoncés dans la méthode EURL LC-MS/MS. Ces méthodes doivent avoir fait l'objet d'une validation intralaboratoire et avoir passé avec succès les tests effectués dans le cadre d'un programme reconnu de tests d'efficacité. |
Incidents graves et cas notables attribués aux phycotoxines
L'un des incidents les plus médiatisés concernant les phycotoxines est la contamination de coquilles Saint-Jacques au Canada en 1987 par l'acide domoïque, une phycotoxine responsable de l'ASP. Plusieurs personnes sont décédées et d'autres ont souffert de séquelles neurologiques permanentes suite à la consommation de ces coquillages.
Source : "Amnesic shellfish poisoning in the king scallop, Pecten maximus, from the west coast of Scotland", Journal of the Marine Biological Association of the United Kingdom, 1990.
